Dans le cadre d’un partenariat avec la Fédération du tourisme de la Province de Liège, j’ai eu l’occasion de visiter la distillerie Belgian Owl située à Fexhe-le-Haut-Clocher, près de Liège. Amateur de malte écossais et japonais à mes heures perdues, j’étais donc ravi d’avoir l’occasion de me pencher sur le whisky belge, qui ne tarit pas d’éloges. Alors, chauvinisme ambiant ou véritable or belge?
Les origines du whisky
« L’histoire du whisky reste voilée dans les brumes de l’aube celtique. »
Sir Robert Bruce Lockhart
Le whisky serait né en Écosse ou en Irlande, après que les techniques de distillation importée de l’orient se répandirent en Europe entre le 12ème et 14ème siècle. La première trace écrite de whisky remonte à 1494, lorsque le roi d’Écosse Jacques IV se rendit sur l’île d’Islay afin d’unifier l’Écosse sous une seule couronne. Selon les écrits, par ordre du roi, le moine John Cor aurait alors reçu 8 bolls de malte (environ 500 kg) afin de réaliser de l’aqua vitae, l’eau de vie de malte (« 8 bolls of malt to Friar John Cor, by order of the King to make aqua vitae »).
Pendant les deux siècles suivants, le whisky devient une boisson clandestine afin d’échapper à l’impôt. Ce n’est qu’en 1823 que la nouvelle loi sur l’accise, l’excise act, rend sa distillation à nouveau légale.
Les différents whiskies
Dans le whisky, on distingue essentiellement trois grandes familles: les grain, les blend et les single malt.
Les grain sont réalisés à partir de différentes céréales (maïs, blé, seigle, avoine) et éventuellement d’orge maltée. Il n’est distillé qu’une fois, et n’a donc que peu de goût. Il est donc exclusivement utilisé dans les blend.
Les blend ou blended sont des assemblages de whiskies provenant de différentes distilleries et de différents whiskies, généralement un grain pour le volume et un malt pour le goût. C’est le type le plus répandu.
Enfin, les single malt, les plus qualitatifs, proviennent de l’assemblage de whiskies de malte d’une même distillerie. Un single malt est donc également un mélange, sauf s’il porte la mention single cask, auquel cas il provient d’un même fût.
Comment fait-on du whisky?
La fabrication du whisky est un processus relativement complexe. Pour simplifier, voici les 8 étapes pour réaliser un single malt de type écossais (double distillation, uniquement à base d’orge maltée); il suffit de retirer une distillation pour le grain ou en ajouter une pour un irlandais, et de varier les céréales selon les types.
1. La culture de l’orge
La première étape est la culture des céréales nécessaires à l’élaboration du whisky, en l’occurence l’orge pour un single malt. Le terroir joue un rôle primordial dans le développement des arômes du whisky.
2. Le maltage de l’orge
Pour faire du whisky de malte, il faut de l’orge maltée. Le maltage consiste à humidifier l’orge pour le faire germer afin qu’il produise les enzymes nécessaires (diastase) pour transformer les sucres complexes en sucres simples (saccharification de l’amidon) utiles pour la fermentation alcoolique. Après 6 à 12 jours, on arrête la germination en faisant sécher l’orge. Lorsque l’on ajoute de la tourbe au feu utilisé pour sécher, on obtient un malte tourbé, au goût fumé très prononcé.
3. Le concassage
L’étape suivante consiste à concasser/broyer le malte séché afin qu’il libère plus facilement le sucre qu’il contient. Le malt concassé ainsi obtenu s’appelle le grist.
4. Le brassage
Le grist obtenu lors du concassage est mélangé à de l’eau chaude dans la cuve de macération pendant plusieurs heures. Après filtrage, on obtient alors le wort (le moult), un liquide sucré avec peu d’arôme. Les déchets solides, les drêches, sont recyclées en nourriture pour le bétail.
5. La fermentation
Une fois refroidi, le wort est transféré dans des cuves de fermentation. On y ajoute alors des levures afin d’enclencher la fermentation alcoolique, qui dure en moyenne 48 à 72h. C’est durant cette étape que les arômes du terroir de l’orge vont apparaître. Le liquide obtenu après fermentation s’appelle le wash, qui n’est d’autre qu’une bière de malte plate.
6. La distillation
Le wash est placé dans un alambic qui est ensuite chauffé afin de déclencher l »évaporation de l’alcool. Les vapeurs d’alcool montent alors dans l’alambic jusqu’au serpentin froid. Le choc thermique produit la condensation des vapeurs à l’état liquide. Le premier distillat obtenu, le low wine, est alors distillé une seconde fois. Sur ce second distillat, seul le corps (middle cut, situé au milieu), le plus qualitatif, est conservé. La tête (foreshot) et la queue (feint) sont soit remis en cuve, soit revendus pour l’élaboration de blend.
7. La mise en fût
Le whisky récolté est ensuite mis en fût de chêne pour une période minimum de 3 ans. C’est ce vieillissement en fût qui va lui conférer sa finesse et son goût particulier. On utilise généralement des fûts qui ont servi à l’élevage de bourbon, en provenance des USA.
8. La mise en bouteille
La dernière étape de fabrication du single malt consiste à le mettre en bouteille (dans le cas d’un blend, il faut d’abord procéder à l’assemblage). À ce stade, le whisky ne vieillit plus.
Le whisky belge, une affaire de passion
On doit l’apparition du whisky en Belgique à un passionné, Étienne Bouillon. Maître distillateur formé en Écosse issu d’une famille de liquoristes de Grâce-Hollogne, il lance en 2004 le pari fou de cultiver de l’orge sur les terres hesbignonnes afin d’en faire du whisky. Et pas n’importe quel whisky: du single malt. C’est ainsi que la distillerie Belgian Owl voit le jour.
Belgian Owl, le premier single malt belge
La distillerie Belgian Owl s’inscrit dans une dynamique de durabilité. La production est locale et dans une optique de zéro déchet: réutilisation des eaux en circuit fermé, recyclage des drêches en aliment pour bétail … tout est pensé pour ne rien gaspiller.
L’eau provient de la nappe phréatique de la Hesbaye située en dessous de la distillerie. Elle est si pure qu’elle est protégée par la Région Wallonne et l’UE.
La distillerie a développé un commerce équitable et respectueux avec les agriculteurs locaux auxquels elle impose un cahier de charges strict: agriculture raisonnée (ni engrais, ni pesticides), système de jachère afin de laisser le temps au terroir de se régénérer, aménagement du terrain pour favoriser la faune et la flore … ces contraintes sont compensées de manière juste et équitable aux agriculteurs.
Enfin, c’est également la seule distillerie en dehors d’Écosse qui peut se targuer d’avoir 2 alambics écossais !
Depuis les débuts de l’aventure, la distillerie a remporté de nombreuses médailles à différents concours. Pour avoir eu la chance de déguster toute la gamme (ou presque), il y a effectivement de quoi être fier du whisky belge. Ma préférence va au brut de fût, une véritable explosion atomique d’arômes en bouche à ne pas mettre sur toutes les lèvres …
Que vous soyez novice ou amateur, n’hésitez pas à passer leur rendre visite, ils sauront vous transmettre leur passion du whisky !
Belgian Owl
7, Hameau de Goreux
4347 Fexhe-le-Haut-Clocher
https://www.belgianwhisky.com/